Le carré des indigents ( auteur Hugues PAGAN )

Hugues Pagan invite le lecteur à passer quelques semaines au sein de l’Institution policière de la Ville. Nous sommes en 1974.

L’inspecteur principal Claude Schneider est revenu pour prendre les rênes du Groupe criminel de la Ville fin 1973 après dix ans d’absence. Quelques mois après, les résultats sont là, l’excellent procédurier qu’est Schneider entraine efficacement son groupe qui sort des affaires. Des procédures, il n’en manque pas dans ce quatrième récit. Le lecteur y trouve tout ce qui fait le quotidien d’un commissariat de province. Cela sent le vécu.

Les affaires arrivent les unes après les autres au Bunker ( le commissariat ) et cela renforce la véracité du récit. Il n’y a pas seulement une énigme qui va mobiliser toutes les forces de police comme dans un polar classique. Le quotidien des flics est mis en avant, sans fioriture, il est aussi fait de vols sur un chantier, d’altercations à la sortie d’une boîte de nuit, de permanences de week-end à glander, d’un indic qui parle d’un projet de braquage, d’un différend entre une pute et son client. Parfois c’est le Maire qui demande de rafler les clodos réfugiés dans le hall de la gare, le Maire et son épouse veulent une ville propre. Dans cette routine, la disparition de Betty Hoffmann préoccupe Schneider. Une ado, un jour sans nouvelles, il sait qu’elle ne sera pas retrouvée vivante. Betty ne fait pas partie des préoccupations de la hiérarchie policière, une famille ouvrière à la vie sans relief et sans importance. Le cadavre de Betty est retrouvé en bordure d’un chemin de la Combe à la Serpent ( je sais où c’est ). Version officielle, crime de rôdeur et basta.

Le récit est utilement enrichi par les réflexions sur la place de la presse dans la société, elle est avidement convoitée non seulement par les élus mais aussi par les hauts représentants de l’Institution policière pour servir leurs ambitions plutôt que la vérité et l’objectivité.

Schneider n’abandonne aucun plaignant et surtout pas le père de Betty qui a le droit de savoir. Schneider veut être juste. Dans certaines affaires, il est possible de s’accommoder avec la vérité tout en respectant les plaignants. Mais pas avec le meurtre de Betty qui doit être résolu, c’est une question de respect pour son père et pour sa famille avec qui Schneider va entretenir des liens de plus en plus enrichis d’empathie.

« Le carré des indigents » est un beau titre, Schneider est entièrement tourné vers les laissés pour compte, vers ceux qui se taisent et qui n’appellent pas à l’aide. Dans « la série Schneider » ce roman est le dernier publié mais chronologiquement c’est celui qui remonte le plus loin dans sa carrière de flic. Son âme est blessée par la Guerre d’Algérie, son métier de flic va détruire ses dernières illusions et c’est dans cet état d’esprit que le lecteur le découvre, dès les premières lignes le décors est planté « Schneider eut la certitude qu’il ne quitterait plus jamais la Ville. Jamais plus vivant ». Concernant les personnages secondaires, Monsieur Tom ou les autres membres du Groupe criminel que le lecteur a déjà côtoyés, l’auteur réussit habilement à surprendre le lecteur en complétant leur portrait. J’ai aussi lu et relu la belle préface rédigée par Michel Embareck.

De nombreux prix ont couronné ce roman. Parmi ceux-ci, le Grand Prix de littérature policière 2022 ( roman francophone ).

Hugues PAGAN – Le carré des indigents. Parution le  janvier 2022, Éditions Rivages Noir. ISBN 9 782743 654931.

Autres titres de la série Schneider :

• La mort dans une voiture solitaire ( première parution en 1982 ) : voir ICI
• Vaines recherches ( première parution en 1984 ) : voir ICI
• Profil perdu ( parution en 2017 ) : voir ICI