Profil perdu ( auteur Hugues PAGAN )

Trente cinq années séparent la parution de « La mort dans une voiture solitaire » ( voir ICI ) de cette troisième rencontre avec l’inspecteur principal Schneider. Entre temps ( 1984 ) il y a eu « Vaines recherches » ( voir ICI ), un assez court récit, un concentré de polar. Avec « Profil perdu » Hugues Pagan propose de nouveau un long roman et prend le temps de développer le récit policier et la tranche de vie commune qu’entament Schneider et Cherokee. « La mort dans une voiture solitaire » n’est pas un roman facile à lire ( j’ai pris des notes pour ne pas m’égarer ). La lecture de « Profil perdu » est facile, tout s’enchaîne logiquement. Le récit coule naturellement et cela contribue à créer une atmosphère parfois violente comme l’action policière et toujours sensuelle lorsque Schneider et Cherokee se retrouvent.

La rencontre de Schneider et Cherokee a eu lieu lors d’une réception pour la nouvelle année 1979. Schneider n’est pas l’homme des soirées festives mais il fallait bien qu’il réponde à l’invitation de Monsieur Tom, avocat investi dans toutes les strates de la société de la Ville et avec qui il a servi en Algérie. Une extraordinaire histoire d’amour naît entre Schneider et Cherokee, dès le premier regard. Le lecteur qui a connu Schneider sans Cherokee voit la différence. Auparavant enfermé dans un mutisme obstiné ( avec ses pensées morbides comme le fait d’exister )  il devient plus ouvert jusqu’à se confier sur la guerre qu’il a mené en Algérie, sur les exactions qui ont marqué ses habitants depuis l’époque coloniale et peu à peu le para qui a été un héros est devenu celui qui refuse. Schneider parle aussi de son père et de sa mère. Scheider est transformé. La différence d’âge est effacée entre ces deux êtres qui s’aiment, le vouvoiement reste mais n’empêche pas une grande complicité et la construction d’un futur commun. Schneider ne conçoit plus l’avenir sans Cherokee et la seule imagination d’une séparation l’entraîne dans des pensées suicidaires.

L’inspecteur principal Schneider reste un flic, efficace et respecté leader d’un groupe criminel depuis bientôt sept ans. Ce travail de flic, il l’accomplit comme son devoir. Dans ce roman il n’y a pas d’énigmes mais seulement la recherche d’un tueur de flic. Un inspecteur principal des stups a été tué, une exécution, seul face à son tueur le policier n’était pas armé. Schneider et son groupe enquêtent, les flics des stups cherchent à se venger. Le boulot des policiers est bien décrit avec des détails qui sentent le vécu. Il y a bien sûr les procédures qui tissent des liens avec la justice mais aussi une face plus sombre comme la traque très officielle des clochards et ce qui est noir et inavouable comme les passages à tabac. Quand Schneider se risque à dénoncer, la machine de l'enquête interne se met en marche. Dans la police le linge sale doit être lavé en famille sinon cela ne peut que mal finir.

L’histoire de cet extraordinaire amour est émouvante. Mais j’ai aussi adoré les portraits de flics plus vrais que nature. Côtoyer Catala, Müller, Dumont, Nello, c’est une immersion dans le vécu. Et que dire de l’incroyable Courapied … Autre charme, le récit d’Hugues Pagan est épicé par des lieux louches comme la casse auto de Bubu, avec ses trafics et ses règlements de compte.

Trois romans et d'aussi belles lectures. C’est une belle marche jalonnée de questionnements, de découvertes, d’émotions, d’enthousiasme, de suspense et de courses effrénées. J’ai eu chaud, j’ai eu froid comme tous les personnages qu’ils soient attachants ou antipathiques. Il me reste à lire "Le carré des indigents", mon impatience est grande tellement ce titre a été couronné de prix littéraires.

Hugues PAGAN – Profil perdu. Parution mars 2017, Éditions Rivages Noir. ISBN 978-2-7436-3935-8. Réédition en poche par Rivages Noir ( n° 1062 ) en mars 2018. ISBN 978-2-7436-4336-2.